Ty’ Pasta : l’oeuf en crise retombe sur ses pâtes

jean-michel-boscher-pates-oeuf - Illustration Ty’ Pasta : l’oeuf en crise retombe sur ses pâtes

Dans la tourmente de la crise de l’œuf, le producteur Jean-Michel Boscher veut rebondir en développant Ty’ Pasta, marque de « pâtes aux œufs frais de poules plein air. »

En 2012, Jean-Michel Boscher reprend l’élevage familial de 100 000 pondeuses, à Seven-Léhart (22). Après une expérience de 10 ans comme aide familial et la reprise avec son épouse Sandra d’un poulailler bio 4 ans plus tôt, le jeune homme débute « avec des contrats rentables. » Mais rapidement l’horizon s’obscurcit : une fois que l’Europe a absorbé la fameuse mise aux normes des cages à poules, le marché connaît la surproduction et les cours s’effondrent. « La crise de l’œuf a débuté en 2013 et la filière n’en est pas encore vraiment sortie. Moins d’un an après mon installation, je ne trouvais plus personne pour recharger mes poulaillers et me proposer un nouveau contrat… En plus de l’aménagement des nouvelles cages, j’avais aussi investi dans une volière achetée en Italie qui n’a jamais fonctionné correctement », se remémore l’agriculteur.

Une machine d’occasion pour fabriquer des pâtes fraiches

Dans ce contexte difficile, l’éleveur est très inquiet, mais n’imagine pas jeter l’éponge : « Je me suis rapidement mis à chercher une nouvelle issue pour les œufs, pour rebondir. Devant la proportion d’œufs déclassés, j’ai imaginé monter une casserie pour les valoriser. » Mais la mise de départ était trop importante pour se lancer. « Il y avait aussi l’idée de la crêperie, marché particulièrement saturé en Bretagne. » À force de se creuser la tête et de fouiner sur internet, il découvre, durant l’été 2013, une annonce concernant une machine d’occasion pour fabriquer des pâtes. « Un boucher du Mans la revendait 500 €. Il m’a sommairement donné la recette. » Il aura ensuite fallu 3 semaines d’essais, à tâtons, avant de trouver la bonne formule. « Une recette de type alsacienne. Un mélange, sans ajout d’eau, de semoulette de blé dur et de 7 à 8 œufs frais par kilo. »

Pas le bon packaging pour s’imposer en GMS

Une fois ses produits bien au point, Jean-Michel a « voulu rentrer vite dans les grandes surfaces. Mais je me suis loupé, car je n’avais pas les bonnes machines pour la mise sous emballage », avoue-t-il. « Pourtant un peu plus cher que l’industriel lambda, mes barquettes blanches n’étaient pas jolies et reflétaient le prix promo. » Le producteur « artisanal » ne baisse pas les bras et vend parallèlement ses pâtes « en direct, en vrac, sur les marchés. » Bien aidés par plusieurs stagiaires issus des filières commerciales de l’Université de Guingamp (22), les contacts se multiplient également avec les points de restauration collective. « Nous travaillons déjà avec 15 cantines. Les étudiants en ont rencontrées 40 autres. Les retours des cuisiniers sont bons : les assiettes des enfants sont vides. » Les professionnels apprécient aussi le concept : « Si nous ne sommes pas les moins chers, nos pâtes relocalisent leur approvisionnement. En plus, nous livrons en vrac. Et, pratique, nous avons la capacité de produire des feuilles à lasagne à la dimension personnalisée qui s’adaptent parfaitement aux plats de chaque cantine. »

Ces derniers mois, la conquête de nouveaux marchés n’a cessé. Par exemple, Jean-Michel Boscher a installé en décembre un distributeur automatique de boîtes cartonnées de pâtes cuisinées à l’Université de Guingamp. « D’un côté, j’avais des invendus de marché. De l’autre, mes stagiaires appréciaient les pâtes que je leur servais au déjeuner, alors qu’il n’y a plus de restaurant universitaire à Guingamp. C’est Mc Do ou sandwich de GMS… » Désormais, le chef cuisinier Sébastien Denes vient trois fois par semaine sur l’exploitation pour préparer différentes recettes pour les étudiants. « Thon, poulet, saumon, chèvre… Et bien sûr, carbonara et bolognaise, car les jeunes préfèrent les classiques. » Tous les jours, 60 barquettes sont ainsi vendues à la fac.

Les pâtes de blé noir, sans gluten, locales et originales

« Nous avons travaillé un an sur cette recette de pâtes au blé noir, essayé 10 moulins fournisseurs de farine… Avec la farine de la Minoterie Corouge de Réguiny (56), nous obtenons désormais une pâte 100 % blé noir qui se tient bien », raconte Jean-Michel Boscher. Un produit original par sa couleur et son goût, au fort accent régional et sans gluten, bien adapté à certains régimes. Il sera d’ailleurs présenté les 24 et 25 janvier au Salon de la coquille Saint-Jacques à Montmartre. Le conseil : « Les faire revenir, après cuisson à l’eau, avec une poêlée de légumes ou de Saint-Jacques. Ou juste les sauter au beurre pour grignoter à l’apéro. »

Une identité visuelle professionnelle

Les grandes surfaces sont à nouveau une cible. « Pour cela, j’ai revu tout le packaging en faisant appel à une entreprise de Lannion pour l’identité visuelle. L’image de Ty’ Pasta est beaucoup plus pro. » L’artisan pastier a surtout investi 50 000 € dans une thermoformeuse capable de mouler des barquettes au format désiré, de filmer et de mettre le produit sous atmosphère protectrice « pour une DLC qui passe à 12 jours. » Mieux préparé, il se sent prêt pour pousser à nouveau les portes des supermarchés. « Ma première animation a lieu ces 16 et 17 janvier au Leclerc de Loudéac. »

La prochaine étape est déjà en route : une offre de pâtes sèches, locales et artisanales, à destination des boutiques d’artisan-boucher. « Le séchoir a été acheté 12 000 € fin 2014. Température, ventilation, temps d’opération… Nous sommes en train de le dompter. » Au final, l’entreprise a investi 100 000 € pour lancer cette production. « Si la valorisation de l’œuf est intéressante, le volume est loin d’être suffisant pour obtenir une réelle rentabilité. Nous fabriquons 100 kg de pâte par jour, avec l’objectif d’atteindre 500 kg. À terme, si on sature l’outil de transformation, on pourrait ajuster le nombre de poules au débouché pâtes…  La nouvelle encourageante est que nous décrochons un client par jour en ce moment. Mais en pâte fraîche, la logistique reste le premier problème. La pâte sèche va rapidement nous offrir de la souplesse. Nous cherchons également des revendeurs locaux sur les marchés ou dans des boutiques de producteurs qui veulent étoffer leur offre. » Toma Dagorn

La caravane Ty’ Pasta en 7 marchés  

  • Quintin le mardi, Tréguier le mercredi, Lamballe le jeudi, Guingamp et Seven-Léhart le vendredi, Saint-Brieuc le samedi et Lannion le
  • Dimanche. Contact : Jean-Michel Boscher
  • 06 80 62 46 26, pointdujour22@orange.fr

Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article